CE QUE JE CROIS (Première partie)



CE QUE JE CROIS

OUVERTURE : ENTRE PRETENTION ET MODESTIE

        Ces écrits, ou miettes d’investigations, n’ont aucune prétention, même pas subconsciente d’aller contre la saine doctrine. La prétention ici, se situerait, si d’ailleurs, elle existerait, c’est dans le discours doctrinaire (expression est de Maurice Bellet). Cette déformation de la saine doctrine, un raidissement de la vraie doctrine, et un rigorisme à outrance, qui refuserait de changer de disque même après Vatican II. La prétention, s’il en existe une, serait, d’exposer les conséquences de ce discours doctrinaire. Par conséquent, nous évoquerons un tas de thématiques ; qui partiront d’une part des causes de l’explosion de la religion allant de la déchéance de la vérité en notre temps. D’autre part, nous tomberons dans la source d’inspiration de tout le christianisme ; ce que Joseph Moingt, nomme dans son livre testament L’Esprit du Christianisme[1]. Translation de Maurice Bellet[2],  ce que Dominique Collin appelle l’Evangile inouï, nous permettra de concrétiser avec vous dans ces investigations. Toutefois, nous voulons souligner que tout ceci est dans l’ordre des hypothèses de travail. Mais avant, permettez - moi de vous faire écouter mes yeux du cœur qui se déploient dans ma raison du cœur. Vous excuserez mes postures sans facture.
Toutefois, cette publication vous servira d’entrée dans un discours qui parfois n’est pas souvent accessible aux « non-initiés ». Raison pour laquelle, cette première ne touche pas directement les thématiques annoncées plus haut. Ici, je vous inviterais à vous joindre à notre éveil, voie et demeure, notre recherche inconditionnelle de la vérité ; c’est de cela qu’il est question dans ces publications.



I.        MISE EN VOIE

« Si quelqu’un veut vivre, réellement vivre, ou si quelqu’un cherche la vérité, au-delà du bruit des apparences, ou encore si quelqu‘un ne se résigne pas à la bêtise et à l’iniquité, il lui faut bien s’éveiller et se mettre en route. »[3]
Maurice Bellet

Il faut tout repenser, disait Paul VI, repenser sans perdre, on dirait ! Il faut repenser le discours de la théologie à l’ère postmoderne. Cependant, ceux qui sont chargés de le faire refusent de perdre leur héritage de la grande chrétienté. Comment repenser sans rien perdre à l’ère où tout se perd et se déperd ? Voilà, la question à répondre chers lecteurs. Mais avant, il faut qu’on s’éveille et qu’on se réveille en ce monde qui ne dort pas. Ce qui signifie que, cette première publication a pour but de nous inviter à recentrer ce qui est le centre de notre existence.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture.

                                                                         
I.1.       L’EVEIL

C’est sûr que mon risque est d’avance un dé-risque[4]. On dirait que je m’avoue vaincu avant même d’avoir combattu ! hélas ! Peut-être parce que je sais que mon entreprise est risquée, et aux yeux de plusieurs, illusoire et vaine. Que faire alors ? Laisser et rester sans rien dire ? Ou alors se résigner et accepter en supportant dans un gémir d’un castré qui n’a que pour seul rêve voir, ces bourreaux périr ? Car, ils me diront : n’est-il pas mort, le temps des grandes vérités et des grandes espérances ? Ils ont raison de déraisonner. Toutefois comme le disait Maurice Bellet, la nécessite excuse tout. Si cela peut me consoler, tant mieux !
Mon souhait est que mes bourreaux se souviennent que mon « gémir » a pu libérer d’autres castrés que moi. Un peu exagéré ! On dirait !
 Heureusement, qu’ici, il n’est pas question de bourreaux, juste, une question de parler ou alors de se taire et bien le passer (pasarlo bien) pour reprendre les Espagnols. Et, plusieurs le passent très bien. Ils ont choisi la voie du silence, pour tout dire sans rien dire, car, ils ont tellement à dire. Mais, ils se laissent dire parce qu’ils ont effectivement peur de se dédire. De quoi ? Je leur pose la même interrogation. Mais d’habitude, ils me répondent par des formules moues et très larbinistes (larbins, ou thuriféraires) armées de laconisme. Au fait, c’est la caractéristique de notre époque. Car, le premier moment dans la nécessité de prendre la parole, est d’abord de se situer le contexte de prise de la parole et le motif de cette prise de prise. 
Parce qu’en réalité, il y a deux interprétations du monde tel qu’il va. Maurice s’exprimant sur la question nous dit que la première est réjouissante. Il écrit « Nous sommes à l’aurore d’un nouvel âge d’humanité. Les progrès fabuleux de la science et de la technique mettent fin aux vieilles terreurs, peste, faim, guerre. On a même pu décréter la fin de l’Histoire. »[5] C’est clair, qu’il ne savait que les pandémies comme le Coronavirus comme la peste allaient encore plonger le monde des grands progrès scientifiques ; l’homme de la post vérité, qui cherche à être trans humain déjà, dans l’incertitude. Dans tous les cas, ce n’est pas ce monde-là, qu on voudrait interpréter ici.
L’autre version est moins réjouissante. A bien observer l’évolution des choses dans notre monde, malgré les progrès de la science et de la technique, on a l’impression que ces grands ont bouché notre capacité de discernement. Il y a une espèce d’opacité réflexive dans les mentalités de nos contemporains. Ce fameux progrès est parfaitement ambigu. L’incapacité réflexive nait du fait que l’homme de l’ère postmoderne refuse de se poser des questions essentielles sur son propre être, son humanité. Il est installé dans le non questionnement. A vrai dire, il est plus dans une course en avant. Cette course qui l’entraine vers un catastrophisme pour reprendre Fabrice Hadjadj. Nous sommes à l’ère du jouir sans un vouloir de déjouir et une acuité vers la recherche de la puissance sans limites. Bref, no limits.  Vous l’auriez compris, ma logique se situer dans la version de ce monde.


I.2.       La question fondamentale…

 La question fondamentale est celle-ci : ont-ils encore du temps pour s’arrêter et se poser des questions ? Ou bien, ils sont malheureusement tombés dans le dé-questionnement ? On a parfois cette impression-là, à bien nous regarder.  On a perdu le souci des générations avenir, on vit l’immédiateté. En oubliant, comme le fait remarquer Maurice Bellet, que nous sortons du XX -ème siècle ; un siècle extrêmement violent et meurtrier.  Ajouter à cela le grand triomphe d’Epicure. En ce siècle, il fut exhumé et, il a des adeptes aux rangs incomptables. Bravo Epicure, désormais tu es « éternellement vivant ». Chance à lui ! Les individus comme moi, nous sommes vus comme ceux-là, qui essayent de vouloir se montrer plus soucieux qu’autres. Dans les milieux chrétiens, parfois on nous demande souvent si c’est nous qui allons changer le monde ou alors l’Eglise ? Henri Boulad, d’une certaine manière a tort d’avoir écrit : Changer le monde[6]. En réalité, il est loin de se rendre compte que c’est une utopie. Les réalistes le lui rappellent en passant en tout cas. Il leur répond en disant : chacun de nos choix est décisif ; notre choix a d’une certaine manière sa répercussion dans tout le monde entier. On peut décider de ne rien dire, ou alors, on peut décider de dire. C’est toujours un choix. Mon choix a été fait, vous l’aurez compris.
Pour cela, j’assume cette « insulte douce » de ceux qu’on nomme « paranoïaques », les « trop sérieux de la vie ». Certains vont jusqu’à nous nommer des compensateurs de notre d’un certain « manque ». Ils disent qu’on déverse notre libido en critiquant même la critique. En réalité, nous sommes pour eux, les pires pessimistes. On se préoccupe à noircir lorsque tout « parait » blanc. On veut jouer les « Nietzsche » de notre époque. J’aimerais qu’on me dise que ces affirmations n’ont pas porté du fruit. D’ailleurs, je l’aurais compris, que nous manquons de foi, car on voit le rouge, quand on nous présente le jaune. Nous manquons d’optimisme, comme Nietzsche. Mais si on souffre de toutes ces maladies au nom de ce qu’on croit proposer comme chemin vers la vérité, il vaudrait mieux s’orgueillir. Certains furent traités de tous ces noms avant nous. Et s’il faille les supporter au nom de la recherche de la vérité, il vaudrait mieux. Car, comme le disait bien Maurice Bellet, « Dieu est inconditionnellement du côté de la recherche de la vérité ».
 Parce que la vérité est ce qui nous[7] motive et si on nous traite d’aveugles, nous le sommes vraiment ! Nous souhaitons juste être des « aveugles clairvoyants » (Henri Boulad). On ne revendique pas le titre. C’est sûr ! Toutefois, on aimerait que nous fassions la nette différence entre les aveugles du cœur et ceux des yeux. Dans l’espoir, (heureusement que ce n’est qu’un espoir !) que le tribunal de la conscience historique le gardera pour le moment, laissons parler nos désespoirs sans exploits.


I.3.       Truth as Truth

  Notre motivation est la recherche de la vérité inconditionnellement. Est-elle noble ? Je n’en sais rien.  « Truth as Truth », c’est la même vérité que les égyptologues recherchent face à ceux qui ont écrit l’histoire à leur goût et selon leurs intérêts politiques et de prédation civilisationnelle euro centrique. Ce n’est pas d’abord, une question de reconnaissance d’une certaine race, le débat est dépassé sur la question de la race. On sait tout désormais. Cependant, il est question de sortir de la « mythomanie[8] intellectuelle », ce mensonge généralisé au service des dominants et grands promoteurs du grand montage du pseudo « miracle grec ».
On croit encore à cette utopie qui stipule qu’une société dépend en grande partie par le respect et la promotion de la vérité. Laissez-nous encore croire ! même cela porte à croire que ce n’est qu’une utopie. On croit encore que la vérité est sans doute l’un des plus grands biens que rendent possible la vie humaine. Bien plus, on demeure encore dans cette illusion que la nature humaine est marquée profondément par l’intelligence et expérimente une, innée et profonde tendance à la vérité[9].
 Mais, la vérité comme vérité est en remise en cause. Le contact à notre époque sur la question de la vérité se pose. Dans les époques antérieures, la vérité fut la motivation première de l’homme. C’est elle qui posait l’ordre premier de toutes choses. A notre époque, la vérité est la dernière question que les contemporains se posent uniquement lorsqu’ ils ne parviennent plus à cerner ce qui se passe au sein de leur vie. Nous voulons dire par là que ; la vérité se pose à notre époque en situation extrême. C’est en réalité, le dernier recours, ce n’est plus ce qui se pose en premier. Bref, nous sommes à l’ère de la post vérité.
A notre ère, la vérité est un pacte, elle est une idéologie ; celle de ceux qui dirigent le monde. Ceux-là, dictent leur vérité aux plus « faibles », font les efforts que les plus « faibles » sachent que c’est leur vérité qui est au-dessus des autres et, ils sont appelés à se plier.  La vérité est devenue un accord et parfois une marchandise faisant objet de chantage. Ils nous objecteront tout de suite, en disant, ils sont encore naïfs, encore des utopistes, encore des idéalistes, etc. Ils auraient raison. Et, leur manière d’avoir raison, est qu’ils sont installés dans une raison résignée. Et, quand, on est résigné, on a toujours raison même sans avoir rien dit. Puisque la résignation est un préambule du nihilisme (au sens nietzschéen du mot ; ici, on le comprend au sens de l’aspiration au rien). Avec, le résigné, le débat n’est pas proche, il préfère se contenter, et, pasarlo bien (le passer bien). Nous vous prions de nous permettre de nous d’aspirer à quelque chose. Même si c’est une peine perdue d’avance !
Lisons cette merveilleuse interprétation que fait le père Henri Boulad sur la question de la vérité à notre époque. Il part de la belle distinction entre les yeux du cœur et ceux du corps. A l’époque post vérité, la vérité appartient plus aux yeux du corps (H. Boulad). Il veut signifier par-là que la vérité est de l’ordre du réel sans ce qui se cache dans ce visible. C’est l’époque de la « déphénomenologie » des phénomènes[10]. Excusez-moi, du langage jargonnant. Henri Boulad, oppose les yeux du cœur à ceux du corps. Commentant l’épisode de la guérison de l’aveugle dans l’évangile de saint Jean (chapitre 9, 1 à 41) ; il écrit : c’est en fermant les yeux qu’on voit vraiment. Que veut-il dire par ces mots ?
Il voudrait souligner que les yeux du corps ne peuvent pas tout dire sur la réalité qui nous est présentée. Il voudrait nous inviter à entrer dans la logique du visible qui cache l’invisible et inversement. Il voudrait nous permettre de savoir que les yeux du corps ne voient pas tout. Au fait, ils ne voient que ce que nous voulons qu’ils voient. Dans l’épisode cité plus haut, Henri Boulad, dit que, c’est au moment où nous fermons les yeux au monde tel que nous le connaissons que nous le voyons vraiment. Tellement étrange cette affirmation ! n’est-ce pas ? Justement, cette affirmation est étrange et nécessite d’amples explications.
Le monde tel que nous le connaissons n’est que le monde tel que nous voulons le voir. Du coup, il est tel que nous le voyons. Dans l’épisode de l’aveugle de l’Evangile, ce qui est mis en avant ce n’est pas le fait qu’il soit aveugle, sinon, l’aveuglement de ceux qui veulent savoir comment il a fait pour ne plus l’être. Ils cherchent (pharisiens, scribes) ils ne comprennent pas parce qu’ils refusent de comprendre. Leur aveuglement est situé au niveau du cœur. Et, le grand enjeu ici est celui de la Vérité. Ce qui intéressait les pharisiens et scribes quand ils interrogeaient l’aveugle n’était pas d’abord le pourquoi du miracle, mais le comment du miracle ? Ils ne sont pas très différents de nous à cette époque où tout se résume au comment des choses.
La grande question dans cet épisode est celle de la vérité. La compréhension de la vérité, non pas, à partir d’un accord, d’un pacte, cependant, la vérité comme vérité. Celle qui ne s’attèle pas à dégager ce qui est lié aux différentes contingences de l’homme et qui devient accidentelle. Parce qu’en « pactisant » la vérité on est très proche de tomber dans le péché de l’évidence, ce péché que Jésus nomme ; péché contre l’Esprit. Ce que Jean Paul Sartre appelle la mauvaise foi (même si lui-même en manquait parfois). Nous tous d’ailleurs. Pour nos intérêts et bénéfices, on attribue le noir au blanc, du jaune au rouge et réciproquement. C’est le péché contre l’évidence. Certains qui n’aiment pas voir le mot péché me diront que tout cela dépende des circonstances dans lesquelles une personne se retrouve. J applaudirai, mais je répondrai en disant, seul un aveugle du corps peut dire la lumière est ténèbres et que le jour est nuit. Le psalmiste le dit, mais allez voir dans quel sens le dit. Ici, nous parlons de la vérité comme vérité.
La recherche de la vérité est un devoir suprême pour la personne : « tous les hommes, conforme à leur dignité, par le fait qu ils sont des personnes, c’est à dire, dotés de raison et de volonté libre, et enrichis d’une responsabilité personnelle, sont (…) par leur nature et sont obligés moralement à chercher la vérité, surtout celle qui se réfère à la religion (…). Sont obligés, à accepter la vérité (…) [11] Avec ces mots du magistère, les très chrétiens et les très amoureux de l’Eglise auraient moins d’insultes à nous infliger au cas où, leur amour pour l’Eglise et leur chrétienté ne souffrent pas de l’hypocrisie. Ces mots à l’invitation du devoir de la recherche de la vérité sur la religion ont une note spécifique est que cette vérité est aussi appelée à être vécue. Ce qui est plus ou moins le cas dans nos centrées. Ces mots aussi, sonnent le glas en dénonçant un conformisme à des vérités qui ne parlent plus aux gens de notre ère.
Nous voulons souligner par-là, le langage de la vérité sans sa rectitude. Dans les milieux très chrétiens et dans les grands discours théologiques de nos jours, notre syllogisme sur la question de la vérité n’a qu une conclusion, il n’y a pas de prémisses majeure et mineure. On dit en conclusion : nous serons tous jugés sur l’amour. Ce qui est d’ailleurs très vrai. Vrai dans une relation vraie. On est fort dans ce rapport lorsqu’on vit l’AMOUR en se contentant d’une verticalité très affermie et une horizontalité très molle. Je veux dire par là même qu on est dans la bonne logique du christianisme mou (soyons gentils, dans tous les cas on se retrouvera tous au ciel lors de la résurrection des morts et du jugement dernier). Ainsi, on prêche dans certains milieux. Une invitation à ne plus émettre d’effort de questionnement même ce qu on croit ou on pense croire. Dommage !
Revenons sur le syllogisme de la vérité sur nos lieux très chrétiens. Ceux qui énoncent ce syllogisme omettent, non pas par oubli peut être par erreur, de mettre en relation la vérité et la rectitude dans le même paquet. Henri Boulad dit ceci : à mon humble avis, nous serons tous jugés sur l’amour. Mais ça va plus que cela ; la rectitude sera le centre ou la mesure de la vérification de cet amour.[12] Croire à la vérité, vivre la vérité, suivre la vérité, questionner même sa propre vérité, c’est cela être l’Amour, c’est cela aimer. L’exigence de l’Amour est liée à celle de la vérité comme vérité. Il faut qu on s’exige la vérité dans la rectitude.
La grande première épitre de Saint Jean, dans ce sens est un modèle pour nous le rappeler dans notre monde d’aujourd’hui. Un monde ou la vérité est devenu mensonge, un monde ou ceux qui mentent sont pris plus au sérieux, surtout que personne n’a plus de monopole de la vérité ni la mesure de la vérité. Le monde actuel respire le mensonge et vit du monde nous dit Henri Boulad. Pas de généralisation en tout cas, mais pour la majorité, le mensonge est la règle d’or. Ceux qui essayent de le dénoncer ont d’avance leur sort réserver. Malheureusement, même au sein de l’institution garante de militer pour la vérité. Même la religion ment à notre époque. Ils me diront : à quelle époque n’a-t-elle pas menti ? Je leur répondrai de prendre leur mal en patience et de continuer à lire. La préoccupation dans ces préliminaires est celle-ci : pourquoi avions-nous renoncé à notre devoir de chercher et de dire la vérité ?


I.4.       L’axial ou la demeure de l’humain

Certains y renoncent quand ils remarquent que la pourriture se nourrit d’elle-même et qu’il serait impossible de vouloir la « dépourrir » depuis l’intérieur. Mais en se résignant, ils vont même contre ce qui fondent par leur propre foi : l’Evangile. Jésus dans le grand discours du sermon de la montagne dit : « vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s affadir, avec quoi le salera-t-on ? (…) Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne peut se cacher, qui est sise au somment d’un mont.[13] Ces paroles de Jésus, nous interpellent à plus d’un titre. Elles nous invitent à sortir de nos installations. Nous sommes installés dans nos propres vérités pour certains. Pour d’autres, c’est une perte de temps. Car, chacun a sa vérité.
Maurice Bellet écrit ceci à ce propos : les « esprits éclairés » n’y trouvent pensent- ils, que préjugés dépassés ou questions sans issue »[14] ; c’est pour dire que la question de la vérité et sa recherche n’est plus au menu de nos plats. Puisque la question est monotone, on préfère mieux parler des évènementiels, du business, des voyages d’été, du temps qu’il fera, de nos gouts et dégouts, etc. bref, les petits plaisirs. C’est exactement le début des attitudes de la résignation. On ne se résigne pas parce qu’on a déjà tellement lutté sans réussir, sinon, parce qu’on réussir sans avoir lutté. Fabrice Hadjadj, signale, que, les questions fondamentales liées à l’être humain interviennent d’habitude lorsque nous faisons certains évènements comme à regarder par exemple Auschwitz, les images des enfants qui souffrent dans les zones désertiques du monde, ou assister à la mort d’un être cher etc. Parfois, ces évènements qui touchent et rendent les êtres humains nous remettent souvent sur l’axial[15]. Qui évoque à la fois qui nous est commun à tous et aussi la demeure et la voie à tout être humain.
L’axial, peut se comprendre comme un lieu du pouvoir, d’un pouvoir souverain inaccessible à toute contestation et ne laissant aux humains que la possibilité de se soumettre ou de disparaitre. On dirait du fatalisme aux allures très déterministes. Dans tous les cas, Maurice Bellet, nous dit que, là, encore l’épreuve négative est éclatante. Et, peut-être, l’enjeu devient plus intéressant pour ceux qui refusent de recentrer par le fait que nous sommes condamnés à l’avance. Ils sont plus ou moins stoïques mais ils ignorent ce fait là. Il n’y a rien qui puisse tenir devant le doute, ou dans la détresse, ou face aux forces de destruction, alors l’être humain glisse hors de tout. Il s’installe dans la puissance de l’impuissance. En ce moment-là, il retrouve l’axial. Pas seulement l axial, mais aussi les limites de l’axial.
A suivre !




[1] Joseph Moingt, L’esprit du christianisme, Temps Présent, 2018 et Croire quand même, libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme, entretien avec Karim Mahmoud-Vintam et Lucienne Gouguenheim, Temps Présent/ coll. Semeurs d’Avenir, 2010.
[2] Grand promoteur de la vision du troisième homme
[3] Maurice Bellet, Le Dieu sauvage, pour une critique de la foi, Bayard, 2007, p. 9.
[4] Comprenons ce terme comme l’échec même du risque.
[5] Ibid., p.10.
[6] Henri Boulad, Changer le monde, Expérience et engagement, Editions Saint – Augustin, 2004.
[7] Le nous ici est dans sa forme inclusive la plus stricte. C’est à dire, je l’utilise dans une dynamique de tous qui pensent que la vérité est un chemin à faire (Henri Boulad, Maurice Bellet, Fabrice Hadjadj, Collin, Yves Leloup, Jean Claude Barreau, etc.)
[8] Ce terme est à la limite une « insulte douce » à ceux qui souffrent d’une reconnaissance intellectuelle forcée. Ceux qui au lieu de dire la vérité sur l’histoire, falsifient cette vérité pour d’autres intérêts.
[9] A. Millan-Puelles, El interés por la verdad, Madrid, Rialp, 1997.
[10] Jean Luc Marion et tous les autres phénoménologues en parlent longuement de cette attitude. Une attitude qui s’arrime bien avec l’ère du vide. Les phénomènes à leur ère de la post vérité ont été vidés de leur substance, de leur invisible, on connait tout avec les yeux du corps, on récuse la grande plongée du regard sans regard, de la pénétration profonde. En définitive, on est plus dans le regard avec intensité, on refuse de fermer les yeux pour mieux les ouvrir afin de mieux voir.
[11] Concilio Vaticano 2, Declaración dignitatis humanae, n. 2.
[12] Homélie du 29 mars 2020, les plus curieux peuvent aller sur YouTube.
[13] Bible de Jérusalem, Evangile selon saint Mathieu, 5, 13 à 14.
[14] Le Dieu sauvage, p.16.
[15] Ibid., p.18